Le périscolaire payant partout, c’est maintenant !

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Le 30 octobre, le Parlement sera saisi de l’article 55 du projet de loi de finances pour 2015. A travers celui-ci, le gouvernement Valls s’apprêtait à liquider l’essentiel du fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires. Devant le tollé suscité, le Premier Ministre au annoncé devant le Sénat mardi qu'il maintiendrait pour 2015 ce fonds. Les 300 millions d’euros dégagés en gage de soumission à Bruxelles et pour payer les cadeaux du Pacte de responsabilité au MEDEF ne seraient pas sans conséquences sur la nature même de l’Ecole publique.

Là où le fonds d’amorçage comprend jusqu’à présent un socle de base de 50€ par enfant et une part majorée de 40€ aux communes en difficultés, le projet de budget en termine avec la partie versée à tous : « ce montant n’est pas versé au titre de l’année scolaire 2015-2016 ».

Le gouvernement Valls s’était pourtant engagé. Le 7 mai 2014, le ministre de l’Education nationale d’alors, Benoît Hamon, confirmait la reconduction du fond d’amorçage pour l’année scolaire 2015-2016. Depuis, patatras ! Najat Vallaud-Belkacem et les comptables de Bercy ont fait leur œuvre.

Dès la rentrée prochaine, les maires devront donc choisir : augmenter la fiscalité locale ou rendre payant l’accès au temps périscolaire. Directement ou indirectement, les familles auront à payer. A Lyon par exemple, l’accès au temps périscolaire est déjà facturé aux parents 120 euros en moyenne par an et par enfant.

La priorité de Hollande à l’éducation c’est donc la fin à la gratuité du temps passé à l’école. D’ailleurs, celle-ci était dans le décret laissée au libre choix des communes. C’est aussi une école inégalitaire où, en fonction des moyens, en fonction des communes, seront proposés, ici de véritables ateliers animés par des professionnels, là des garderies surpeuplées encadrées par des personnels non formés, ou pire encore, rien.

Pour légitimer la réforme, Najat Vallaud-Belkacem brandit l’ « intérêt de l’enfant ». Argument d’autorité qui a fait son temps. Il est dérisoire. Les témoignages, l’expérience, tout indique que la réforme fatigue davantage les écoliers. Contre cette tentative de dépolitisation du débat, il faut revenir aux véritables enjeux de la réforme.

La territorialisation de l’école est l’un des instruments de l’austérité. Pièce d’un vaste assemblage, la réforme territoriale, elle organise la pénurie à tous les étages. A présent, le piège se referme. L’Etat abandonne le financement de sa réforme au moment même où il diminue de façon drastique ses dotations aux collectivités locales : -3,7 milliards d’euros dans le budget 2015 et notamment -2,07 Mds€ aux communes, celles-là mêmes qui sont appelées à financer la réforme des rythmes scolaires.

Austérité oblige, il faudra arbitrer : financer l’achat du matériel, les sorties, la réfection de l’école ou bien l’organisation du temps périscolaire. Pour réduire la dépense, certains recourent déjà à des prestataires de service, engageant la marchandisation de l’école. A Alfortville, le sénateur maire socialiste Carvounas, a lancé un appel d’offre, comme pour n’importe quel marché public, pour organiser le temps périscolaire de sa commune.

L’austérité administrée par la territorialisation n’est pas un projet pour l’école. C’est une politique soumise à la finance qui déstructure l’Ecole comme bien commun et lieu du savoir universel. Porosité et confusion savamment entretenues entre temps scolaire et périscolaire sont ainsi sources de graves remises en cause à l’heure où est imposé un socle commun de compétences. Ce qui ne serait pas dans l’un pourrait être rejeté dans l’autre avec toutes les inégalités devant un même droit à l’éducation que cela comporte. Voilà qui inquiète jusqu’à l’ancien ministre de l’Education Nationale Jack Lang  qui réclamait sur France-Inter le 22 octobre  « un plan ambitieux pour les arts et la culture à l’école».

Nous qui voulons construire l’école de la 6e République, celle de l’égalité et de l’émancipation, nous abrogerions le décret sur les rythmes scolaires et lancerions une concertation pour mettre en œuvre un véritable service public du périscolaire financé par l’Etat, cadré nationalement et mise en œuvre par des personnels formés sous statut.

Rejetée par l’ensemble des acteurs éducatifs, « dévitalisée » par le gouvernement lui-même, cette  réforme destructrice de l’école républicaine doit être abandonnée. Il est encore temps de faire reculer le gouvernement !


François Cocq, secrétaire national du Parti de Gauche à la politique territoriale

Paul Vannier, responsable national éducation du Parti de Gauche

Article paru dans Libération du 30 Octobre 2014