Le démembrement en continu

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Mardi 2 juin, le Sénat adoptait en seconde lecture le projet de loi portant nouvelle organisation du territoire (NOTRe) dans une version modifiée. Mais il ne faut pas s’y fier. Dans quelques jours, l’Assemblée Nationale reprendra la main. Et députés et sénateurs ont déjà posé les jalons de leur entente future en commission mixte paritaire pour imposer de concert le détricotage du cadre national et républicain qui fonde notre pays.

Car s’il est un article qui n’a pas bougé au Sénat malgré l’avis défavorable de la Commission des lois qui s’interrogeait sur sa « conformité avec la constitution », c’est bien l’article 1er qui attribue aux régions un pouvoir de proposition et d'adaptation des dispositions législatives et réglementaires. En un mot, la loi à géométrie variable en fonction des régions !

Mais la loi NOTRe, pour structurante qu’elle soit, s’inscrit dans un mouvement de fond porté par les libéraux. Ainsi, le rapport du député PS Duron remis fin mai fait fi de l’aménagement du territoire en prévoyant la suppression de nombreuses lignes de trains Intercités. On connaissait la loi Macron et le remplacement des TER par des autocars, voilà que c’est maintenant aux ex trains Corail de passer sous les fourches caudines de la rationalisation et de la mise en concurrence du service public. Ce faisant, c’est le réseau de transport par rail au plus près des territoires qui se désagrège. Après la fin des dessertes de proximité, ce sont donc maintenant les villes moyennes qui se trouvent isolées pour ne laisser subsister que les lignes TGV vers les capitales régionales. Par là, c’est la carte des métropoles qui recouvre de son crêpe noir la carte de France. Voilà ce que dénonceront notamment toutes celles et tous ceux qui seront réunis à Guéret ce samedi 13 juin pour une manifestation en défense et en promotion des services publics à laquelle participera Jean-Luc Mélenchon.

Il ne manquait plus que la langue ? François Hollande s’y attelle. Le voilà qui organise l’inégalité entre les langues que les français choisissent de parler en engageant le pays dans la ratification de la charte des langues régionales et minoritaires. Si celle-ci s’applique déjà pour partie, plusieurs articles ont été déclarés inconstitutionnels en 1999 car ils « portent atteinte à l’unicité du peuple français ». Les imposer reviendrait à édicter des droits particuliers pour certains locuteurs quand d’autres n’y auraient pas accès. Et pour substituer le communautarisme linguistique à l’unité et l’indivisibilité républicaine, François Hollande entend une fois encore contourner la souveraineté populaire en imposant une nouvelle modification constitutionnelle par voie parlementaire et non par référendum.

Le libéralisme économique et l’austérité ont on le voit besoin de s’affranchir des structures existantes pour s’imposer aux peuples. Ce n’est pas un hasard si, en bout de chaîne, c’est le cadre institutionnel et la constitution elle-même qui sont attaqués et modifiés. Et parce que le fait d’imposer une politique non désirée à un peuple ne peut se faire sans porter atteinte à sa souveraineté, c’est la démocratie qui s’en trouve souillée. Après Sarkozy, Hollande est l’homme du processus déconstituant. Fruit de l’insurrection citoyenne, la constituante devra régler leurs comptes aux projets de l’un et de l’autre en 2017 !